Débordés et peu formés, les généralistes sont dépassés
Les médecins généralistes sont considérés comme des acteurs clés de la prévention et du dépistage de l’obésité. Hélas, ils sont encore trop souvent démunis face à ce phénomène galopant
«Un médecin apprend à diagnostiquer puis à prescrire. Dans le cas de l’obésité, c’est plus compliqué : on ne prescrit pas, on accompagne », explique Monique Romon, médecin nutritionniste et présidente de la Société française de nutrition. Ce suivi de long terme doit permettre de changer les habitudes de vie. Une gageure face à laquelle le médecin généraliste devrait être assisté par des spécialistes du métabolisme. Mais ceux-ci, débordés par d’autres infections, le laissent souvent démuni. Et même lorsque l’obésité n’est pas encore atteinte et que le patient souffre de surpoids, le manque de temps et de formation en nutrition décourage beaucoup d’entre eux. « Pourtant, il suffit de donner des conseils aussi basiques que préférer l’eau aux sodas, ou éviter de dîner face au petit écran », relève Monique Romon, qui officie dans le nord de la France.
Une faute professionnelle grave ?
« Certains refusent de s’occuper du surpoids des mineurs, arguant qu’il relève de la responsabilité des parents », dénonce Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d’obèses (CNAO). Une faute professionnelle grave, selon la militante associative, qui l’associe à un refus d’assistance à personne en danger.
Bercy propose de créer une prime pour les médecins qui suivent un patient obèse.
Selon elle, beaucoup de membres du corps médical ne considèrent toujours pas l’obésité comme une maladie et ne la traitent donc pas comme telle. Pire, les personnes obèses seraient maltraitées par les médecins. « Le regard négatif et moralisateur renvoyé par la société sur l’obésité imprègne aussi les soignants, affirme-t-elle. Or les patients obèses sont très abîmés, ils sont des boules de souffrance physique et psychologique qui demandent une prise en charge globale. »
Des idées, mais pas de financement
Heureusement, « les jeunes générations de généralistes apprennent aujourd’hui à mieux aborder ces questions avec le patient », assure Monique Romon. L’association Asalée a expérimenté une solution innovante : elle a permis à son réseau de 1 000 généralistes de déléguer une partie du suivi de leurs patients obèses à des infirmières, chacune d’entre elles évoluant parmi cinq cabinets médicaux. Cette expérience s’est terminée fin 2015. Son évaluation par l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé), encore en cours, déterminera si elle peut être généralisée. Le professeur Basdevant, directeur du Plan obésité 2010-2013, va plus loin encore, en appelant à une mobilisation des centres sociaux, associations, écoles, etc., au-delà, donc, du champ médical. En outre, le Trésor public propose de créer une prime pour les médecins prenant en charge le suivi d’un patient avec un fort IMC, comme c’est déjà le cas pour ceux qui traitent les malades touchés par une affection de longue durée (diabète, Parkinson, sclérose en plaques…), à hauteur de 40 euros annuels par patient. Quant aux soins, des méthodes d’éducation thérapeutique se développent autour du triptyque nutritionniste/psychologue/coach sportif (lire page 20). Pour autant, ces offres ne disposent pas encore de financements pérennes et ne sont pas remboursées, ou peu. Les idées ne manquent donc pas, encore faut-il les financer.