« Une maladie de l’abondance qui touche les plus pauvres »
Evolutions de nos modes de vie, mais aussi vieillissement, chômage, aménagement du territoire et insécurité expliquent la propagation de l’obésité dans nos sociétés.
Pourquoi l’obésité augmente- t-elle ?
L’obésité s’explique notamment par le changement de nos modes de vie. Nous passons, par exemple, moins de temps à cuisiner pour acheter plutôt des plats préparés. Alors que ces aliments, issus de l’industrie agroalimentaire, sont souvent très sucrés ou très salés pour que leur goût séduise le consommateur et l’incite à racheter le produit. A cela s’ajoutent des étiquettes difficilement lisibles par l’acheteur qui souhaiterait se renseigner sur la composition du produit. Aujourd’hui, ces composantes nous échappent complètement. Il faut aussi noter l’arrivée des sodas dans notre alimentation.
L’achat est le signe d’appartenance au groupe.
Particulièrement caloriques, ils ne donnent pourtant pas à notre corps une sensation de satiété. Quant au travail, nous y passons en moyenne moins de temps que dans les années 1970. De plus, on constate que les emplois manuels, et donc physiques, tendent à disparaître au profit de postes plus sédentaires. Cette tendance à la sédentarité est aggravée par la prédominance de la télévision et des autres écrans dans nos vies. Enfin, le vieillissement de la population est un autre facteur explicatif car nous avons tous tendance à grossir en vieillissant.
Pourquoi l’obésité est-elle une maladie des plus pauvres ?
La nourriture représente aujourd’hui en moyenne 16% du budget d’un ménage, contre plus de 30% dans les années 1960. Mais il est plus cher de manger sainement. Ainsi la chercheuse en nutrition Nicole Darmon a démontré que les 10% de personnes aux revenus les plus bas devraient se nourrir en grande partie de lentilles et d’abats s’ils suivaient les recommandations nutritionnelles du PNNS (Programme national nutrition santé) en restant dans les limites de leur budget. Il faut aussi prendre en compte l’augmentation du chômage de longue durée chez les catégories populaires depuis les années 1980, qui favorise la prise de poids. A l’inverse, une activité professionnelle réclame un minimum de forme physique. Dans ce contexte, la prise de poids peut devenir très vite un handicap et un facteur d’alerte. Perdre son emploi peut donc être un facteur d’obésité. Quant aux actifs des catégories populaires, ils occupent souvent des postes physiques (caissière, agent d’entretien, déménageur…) qui demandent de la force et de la résistance et donc une alimentation plus riche. Ces métiers sollicitent le corps, qui de ce fait est davantage perçu comme un « outil de travail ». Ceci explique sans doute que son esthétique et sa minceur soient moins valorisées que dans les populations les plus aisées. Enfin, la sociologue Faustine Régnier suggère que dans notre société de consommation, où l’achat est le signe par excellence d’appartenance au groupe, les plus pauvres n’ont ce pouvoir d’achat que pour la nourriture. C’est pourquoi ils ne sont pas prêts à renoncer aux plats préparés ou à la pâte à tartiner de marque réclamée par leurs enfants.
Y a-t-il également des explications géographiques ?
Les habitudes alimentaires locales jouent un rôle, bien sûr. Schématiquement, on consomme plus de frites dans le Nord, et davantage de légumes dans le sud de la France, où l’obésité est moins présente. Des géographes travaillent également sur l’influence de l’aménagement et de la qualité de vie d’un territoire. Dans un quartier sûr et équipé d’espaces verts ou de terrains de sport, les parents seront davantage incités à laisser leurs enfants jouer dehors et ainsi dépenser de l’énergie.