De nouvelles règles d’attribution et de fixation des loyers modulables
La construction de logements sociaux ne suffira pas à dégripper le système. Une prise en compte des besoins des demandeurs et de leurs capacités financières se met progressivement en place.
Lourdeurs administratives, lenteur des procédures, opacité des critères de sélection… le système d’attribution des logements sociaux, souvent décrié, a incité les collectivités locales et les organismes HLM à revoir leur copie. Pour garantir davantage de transparence, certaines villes ont ainsi mis en place des systèmes de scoring. Rennes a été précurseur dès les années 2000 : « Le système de cotation mis en place repose sur un accès universel, tout en donnant la priorité aux publics les plus fragiles ou en situation d’urgence, explique Honoré Puil, vice-président de Rennes Métropole, en charge de l’habitat et du logement. L’existence d’une file spécifique pour les demandeurs prioritaires évite de traiter des cas de droit au logement opposable (Dalo). » Paris utilise un dispositif reposant sur des critères similaires depuis octobre 2014 : nombre de personnes par pièce, procédure d’expulsion, situation familiale, proportion du salaire destinée au loyer, personne hébergée, personne sans domicile fixe. Un coefficient multiplicateur vient s’ajouter quand le demandeur apporte la preuve d’une situation difficile. Et la cotation dépend aussi de l’ancienneté de la demande de logement social. Chaque demandeur peut avoir connaissance de sa propre cotation.
Mise en ligne des offres
Comment remettre le demandeur au centre du processus, le rendre plus actif dans son parcours résidentiel ? Il s’agit, pour Francis Bloch, professeur à l’université Panthéon Sorbonne, « de tenir compte des préférences des locataires en leur proposant de choisir les biens auxquels ils sont candidats plutôt que de les leur imposer. L’expérimentation menée depuis un an à Paris, avec le système Loc’annonces, qui permet de postuler en ligne, a ainsi fait chuter de manière significative les taux de refus ». Tous les intervenants s’accordent également sur la nécessité d’assurer une meilleure rotation au sein du parc social : « Plusieurs moyens existent pour fluidifier le marché, insiste Francis Bloch.
Chaque demandeur peut connaître sa propre cotation.
Cela passe, par exemple, par la création de bourses d’échanges. » L’USH 74, l’association des organismes de logement social en Haute-Savoie, l’Office public de l’habitat montreuillois ou encore Habitat Toulouse ont déjà mis en place des dispositifs de ce type : « Il faut aussi se pencher sur la question de la réévaluation des loyers », poursuit l’universitaire. A ce titre, le projet de loi Egalité et citoyenneté prévoit de renforcer l’application du mécanisme de supplément de loyer de solidarité. Ce surplus, exigé des locataires dont les revenus augmentent sensiblement et durablement, devrait les inciter à migrer vers le parc privé.
Vers des loyers adaptés aux budgets
Sur la question de la fixation des loyers, les choses changent aussi. Historiquement, les niveaux de loyers dépendaient de l’année de construction du bâtiment et du financement obtenu en fonction du type de logement social : PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) pour les logements destinés aux plus démunis, Plus (prêt locatif à usage social) pour les logements sociaux classiques, ou encore PLS (prêt locatif social) pour les logements intermédiaires. Dans un souci de mixité sociale, le projet de loi Egalité et citoyenneté prévoit d’accorder davantage de souplesse aux bailleurs sociaux. Concrètement, les loyers pourront être modulés au sein d’une même construction pour tenir compte des différences de revenus entre occupants : « L’accès au logement social via ces loyers adaptés aux budgets des ménages figure parmi les ambitions validées en juillet dernier par le conseil de Rennes Métropole », conclut Honoré Puil (lire page 27).
Les organismes HLM misent sur le logement intermédiaire
En zones tendues, les classes moyennes ont aussi des difficultés à se loger. D’où la mise en place du dispositif de logement locatif intermédiaire (LLI) pour les ménages dont les ressources dépassent les plafonds fixés pour bénéficier de l’habitat social, mais qui sont trop faibles pour louer dans le parc privé. En pratique, les loyers sont plafonnés entre 15 et 20% en dessous des prix du marché. Il existe aussi des logements intermédiaires en accession à la propriété. Des bailleurs sociaux, comme la SNI, se sont positionnés sur ce créneau, la loi leur ayant octroyé la possibilité de créer des filiales dédiées. Reste à mieux faire connaître le LLI aux élus locaux, qui peuvent l’intégrer à leur programme local de l’habitat. Fort de ce texte, le nouveau plan local de l’habitat (PLH) de la ville de Paris prévoit ainsi de créer 1 000 à 1 500 logements intermédiaires chaque année.