Les véritables causes de la pénurie de logements sociaux
Malgré un réel engagement de l'Etat en faveur de l’habitat social, les résultats ne sont pas à la hauteur. Dans l’Hexagone, de nombreux locataires ne trouvent pas de logement, alors que, parallèlement, de nombreux logements sont vacants.
Depuis de nombreuses années, les gouvernements de droite comme de gauche ne ménagent pas leurs efforts pour tenter de résoudre la crise du logement social. Pour preuve, une progression de 53% du parc social entre 1985 et 2011, un taux bien supérieur à celui de l’accroissement de la population.
Le parc HLM français est de 17% contre 8,6% en Europe
Chaque année, ce sont pas moins de 40 milliards d’euros d’argent public qui y sont consacrés soit 2,3% du PIB de la France, deux fois plus que chez nos voisins européens. L’Hexagone compte aujourd’hui 4,8 millions de logements sociaux, qui représentent 17% de l’ensemble du parc. C’est, là encore, deux fois la moyenne européenne qui s’élève à 8,6%. Le marché serait donc loin d’être en situation de pénurie, si l’on se réfère aux chiffres 2014 du Commissariat général au développement durable qui recensait 77 000 biens vacants depuis plus de trois mois.
Un taux de rotation du parc HLM inexistant
Pourtant, 1,8 million de personnes sont en attente d’un logement social auquel s’ajoutent, selon la Fondation Abbé-Pierre, 3,8 millions de personnes mal logées. De son côté, la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques (Ifrap) s’étonne qu’« en zone urbaine, les locataires les plus pauvres, c’est-à-dire ceux qui appartiennent au premier décile de revenus, soient majoritairement logés dans le parc privé, tandis que 25% des occupants de logements sociaux font partie des 50% des Français les mieux payés. ». Comment expliquer un tel paradoxe ? Selon l’étude de la fondation, neuf Français sur dix resteront toute leur vie dans les HLM qu’ils occupent. C’est un véritable problème, selon la Fondation qui souhaite remettre en question le droit au maintien de ces ménages, alors même que la composition familiale, l’activité ou les revenus ont changé. Un réexamen régulier, cas par cas, en commission d’attribution des ressources et, plus largement encore, une redéfinition plus adaptée des besoins en HLM au niveau régional ainsi que la revente de ces logements à leurs occupants, ou à des bailleurs privés est préconisée par la Fondation.
La loi SRU pointée du doigt
Pour de nombreux observateurs, ce déséquilibre incomberait aussi à loi SRU (2000) et à ses 20% de logements sociaux obligatoires pour les communes de plus de 3 500 habitants – 1 500 en Ile-de-France. Ce taux, d’ailleurs porté à 25% avec la loi Alur (2013), quintuple les pénalités en cas de manquement : « Se donner des objectifs de construction généraux sur tout le territoire n’a plus de sens », peut-on lire dans l’étude de l’Ifrap, qui dévoile un taux de vacance des habitations à loyer modéré alarmant ; il s’élève en moyenne à 1,6% et peut atteindre 10% dans certaines villes, comme à Saint-Étienne (7%).
Des politiques de construction trop productivistes
Autre constat : les communes ont souvent privilégié les logements bénéficiant de financements Plus et PLS, alors que les trois quarts des demandes portent sur des PLAI, aux loyers plus faibles (lire page 22). Par ailleurs, de nombreux élus locaux ont surtout vu dans l’obligation posée par la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) une opportunité pour soutenir l’emploi sur leur territoire, le secteur de la construction étant très consommateur de main d’œuvre. Avant tout guidés par des considérations économiques, les élus ont adopté des programmes locaux de l’habitat (PLH) dont les objectifs ne correspondaient pas aux besoins réels. Ainsi, en zone dite « détendue », construire des logements ne sert qu’à augmenter un parc déjà en partie vide. Alors que l’Ile-de-France ou la région Paca sont en situation de manque chronique. C’est un déséquilibre dont le législateur semble, enfin, avoir pris conscience. Le projet de loi Egalité et citoyenneté prévoit que l’obligation de construction de logements sociaux soit soumise à un critère de pression sur la demande. Face aux villes rétives aux logements sociaux, le projet de loi donne aux préfets le pouvoir de signer directement une convention avec un organisme HLM chargé d’acheter ou de construire des logements sociaux. C’est un premier pas vers un rééquilibrage de l’offre sur le territoire…