Un modèle qui libère les mobilités
S’inspirant de besoins non satisfaits pour aller vers de nouvelles pratiques de mobilité, l’économie collaborative bouscule les schémas établis et ouvre de nouveaux horizons.
Le transport version collaborative séduit les Français. La licorne BlaBlaCar, qui a levé, depuis sa création en 2006, plus de 300 millions de dollars, a même exporté son savoir-faire pour s’imposer en leader mondial du covoiturage longue distance dans une vingtaine de pays. L’américain Uber, spécialisé dans le transport avec chauffeur, revendique plus de 1,5 million d’utilisateurs en France. Ce succès, avancent les acteurs du secteur, tient à l’optimisation de l’usage de la voiture. Un véhicule reste en stationnement 95% de sa durée de vie, son taux d’occupation moyen ne dépasse pas 1,22 personne, alors que les coûts d’entretien représentent environ 4 300 euros par an (selon « Les nouveaux acteurs de la mobilité collaborative », de l’Iddri). La prouesse s’explique aussi par la performance des outils numériques : géolocalisation, technologies prédictives, applications ergonomiques, systèmes de paiement qui facilitent la mise en relation. Enfin, ces nouvelles pratiques répondent aux besoins des usagers, qui ne trouvent pas toujours des réponses dans l’offre de transports disponibles. Un projet de loi est en cours de discussion pour mieux encadrer les évolutions du secteur du « transport public particulier de personnes » et mettre fin au conflit entre les taxis et les VTC. Tout n’est pas réglé pour autant. Le cas de Heetch est emblématique. Cette plateforme met en relation des particuliers : chauffeurs non professionnels, et jeunes noctambules (l’application ne peut être utilisée qu’entre 20 h et 6 h du matin) qui rentrent chez eux, souvent en banlieue. Après l’interdiction d’UberPop, Heetch risque à son tour de devoir cesser son activité, la justice devrait se prononcer en décembre.
Etoffer l’offre de services
Le potentiel de développement reste important dans le covoiturage : environ deux millions de personnes « covoiturent » tous les jours, mais 80% le font de façon informelle sans passer par les plateformes (selon une étude Iddri). C’est sur les courtes distances, compte tenu d’une masse critique limitée des offres, que les services ont du mal à émerger et à devenir rentables. Les systèmes prédictifs qui facilitent le covoiturage en temps réel ouvrent de nouvelles perspectives.
Après UberPop, Heetch risque à son tour d’être interdit.
Ainsi Ridygo, service de covoiturage courte distance en temps réel – développé par une start-up de Sophia Antipolis, Scity.coop –, fait partie des initiatives soutenues par le Programme des investissements d’avenir autour des technologies vertes. Pour les adeptes de location de véhicules entre particuliers, l’offre de sites ne manque pas : Drivy, OuiCar, Koolicar, Deways… se classent parmi les ténors du secteur, certains avec le soutien d’opérateurs conventionnels du secteur des transports, comme la SNCF devenue actionnaire majoritaire de OuiCar en 2015. Déplacements mais aussi problèmes posés par les parkings, souvent chers et difficiles à trouver. Et là encore, l’offre collaborative innove. TravelerCar (ex. Carnomise) propose aux propriétaires de véhicules de profiter d’un parking gratuit et d’une rémunération en louant leur voiture lorsqu’ils partent en voyage depuis un aéroport. A Nice, la plateforme s’est associée à Parkego pour intégrer à son offre le service d’un voiturier.
Dans les airs et sur la mer aussi
Se déplacer en avion à moindres frais, sans passer par une compagnie low cost, c’est possible grâce au coavionnage, qui se développe en Europe. L’Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) a jugé la pratique conforme à la règlementation. La Direction générale de l’aviation civile (DGAC), qui l’avait interdit en France, a dû revoir sa position. Les plateformes comme Wingly, Coavmi ou encore Off We Fly peuvent aujourd’hui proposer du coavionnage avec des avions privés, mais les restrictions imposées* limitent son intérêt dans notre pays. En mer, en revanche, le vent est porteur pour la location de bateaux entre particuliers. Plusieurs plateformes se positionnent déjà sur ce créneau, comme ClickandBoat, SamBoat, Boaterfly ou Sailsharing, qui créent le lien numérique entre plaisanciers et propriétaires. Ces derniers, qui paient cher des anneaux pour des bateaux qui appareillent peu souvent, trouvent là une aubaine, et les amateurs de sortie en mer peuvent le faire à moindres frais.
*Pour des raisons de sécurité, seuls sont autorisés les vols circulaires de moins de 30 minutes dans un rayon de 40 kilomètres, à moins que le pilote ne dispose d’une qualification d’instructeur.
EN ATTENDANT LES VOITURES SANS CHAUFFEUR
Les chauffeurs Uber seront-ils à leur tour ubérisés ? Le risque n’est pas anodin si l’on en croit l’effervescence autour du véhicule autonome. Singapourvient de franchir le pas en autorisant les premiers taxis sans chauffeur à circuler. Ils roulent sur un périmètre limité, 4 kilomètres km, avec à bord, un ingénieur de nuTonomy, la start-up qui a lancé le service à titre expérimental. Après une analyse des retours des utilisateurs, l’objectif sera un déploiement à plus grande échelle dès 2018. A Pittsburgh, en Pennsylvanie (Etats-Unis), depuis septembre 2016, Uber propose également à ses clients, à titre de test, les premiers véhicules autonomes. Là encore, il s’agit de valider l’expérience. Un accord a d’ores et déjà été signé avec la marque Volvo pour déployer le service avec une flotte d’une centaine de véhicules Volvo XC90. Alphabet (Google) et Tesla sont aussi sur les rangs.