Quel statut pour le travail demain ?
Les nouvelles opportunités d’emploi générées par l’économie collaborative obligent à définir un cadre normatif conciliant souplesse dans l’exercice de l’activité et garantie des droits.
Pour ses détracteurs, l’économie collaborative dans sa version ubérisée, rime avec précarité de l’emploi. Pas de contrat de travail, mais des prestations réalisées par des indépendants, souvent des micro-entrepreneurs, avec peu ou pas de garanties. Pourtant, comme le constatent les experts du Pipame, « il n’y a pas de profil type de l’utilisateur de plateformes collaboratives ». Certains chauffeurs employés par Uber y trouvent une opportunité de sortie du chômage. Une étude réalisée par des chercheurs de l’Ecole d’économie de Toulouse évalue à 3 600 euros le gain net par mois d’un chauffeur Uber pour 45 heures de travail par semaine, dont il faudra toutefois déduire de 40% à 50% pour frais d’essence, de location et d’entretien de la voiture et autres charges. Pour d’autres, qu’ils soient livreurs, chauffeurs ou affectés à d’autres types de prestations ou services, cette activité permet tout au plus de dégager un complément de revenus, sans ambition d’en faire une activité professionnelle. En effet, selon l’étude Pipame, seuls 5% des Français tirent plus de 50% de leurs revenus de l’économie collaborative.
Parcours hybrides et convergence des droits
La mort annoncée du salariat n’est pas pour demain, mais comment prendre en compte cette nouvelle réalité complexe ? De multiples rapports – «Transformation numérique et vie au travail », de Bruno Mettling, le rapport Terrasse sur l’économie collaborative, « Travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires », du CNNum (Conseil national du numérique) – se sont penchés sur les formes d’emploi nées avec les technologies numériques. « Pour toutes les personnes, quelle que soit leur tranche d’âge, et en particulier pour les jeunes, pouvoir alterner entre différentes formes d’emploi, salariales et entrepreneuriales, constitue l’une des conditions de réussite », précise le rapport du CNNum.
5% des Français tirent plus de 50% de leurs revenus de la nouvelle économie.
Cela suppose de sécuriser les parcours professionnels. Les conclusions du CNNum et celles du rapport Terrasse convergent sur ce point. L’adoption de la loi Travail, défendue par Myriam El Khomri, a permis d’apporter des réponses concrètes – avec la création du compte personnel d’activité (CPA) et la possibilité de bénéficier d’un dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE) – pour lesquelles on attend maintenant les décrets d’application. Cette avancée a été saluée par la Fédération des auto-entrepreneurs, qui milite également pour une convergence des différents régimes de sécurité sociale (RSI et droit commun).
Autre préconisation avancée par le rapport Terrasse : « développer la responsabilité sociale des plateformes pour améliorer les conditions d’emploi des utilisateurs professionnels », une démarche « en cohérence avec l’esprit qui a présidé au développement du secteur collaboratif ». Des échanges en ce sens sont désormais régulièrement organisés entre les plateformes et la Fédération des auto-entrepreneurs pour apporter plus de garanties, notamment en matière de responsabilité civile, d’accès au logement ou au crédit. Stuart, plateforme de livraison de marchandises sur demande, a ainsi mis en place un contrat de responsabilité civile apportant une garantie pour les dommages matériels ou corporels à ses livreurs indépendants. « Quelle place et quel statut pour le travail humain dans la société demain ? », s’interrogeaient les rapporteurs du CNNum. A l’image d’une économie collaborative en perpétuel mouvement, ses acteurs devront faire preuve d’imagination et les pouvoirs publics, s’efforcer d’apporter les réponses adaptées.