« L’ubérisation est un mouvement de fond »
Protection sociale, formation, fiscalité, concurrence… L’ubérisation appelle à de nouvelles règles du jeu économique. Le chantier ne fait que commencer.
Pourquoi un observatoirede l’ubérisation ?
Parce qu’il est important de reconnaître que l’ubérisation n’est pas un effet de mode, mais un mouvement de fond, un phénomène de société appelé à durer. Elle se développe dans le sillage de l’économie collaborative, avec laquelle elle ne se confond pas. On retrouve les mêmes leviers : des outils numériques arrivés à maturité, des modes de consommation qui évoluent, auxquels s’ajoute, pour l’ubérisation, le recours, via des plateformes, à des travailleurs indépendants. Créé en 2015, sous forme d’association loi 1901, l’Observatoire rassemble des acteurs de tous horizons, pour avoir une vision la plus représentative possible et faire des propositions sur les questions qui posent problème aujourd’hui : la protection sociale, la formation, la fiscalité, la concurrence, etc. Un « Livre bleu » regroupant ces propositions est paru le 3 novembre dernier.
Qu’attendent les auto-entrepreneurs des plateformes qui les font travailler ?
Jusqu’à présent, les indépendants avaient choisi de l’être, ce n’est plus toujours le cas aujourd’hui. Ce peut être aussi un choix par défaut, à cause du chômage : 30% des auto-entrepreneurs ont moins de 30 ans et n’ont pas le bac.
La loi Travail El Khomri intègre le débat sur la responsabilité des plateformes.
Ils découvrent qu’ils n’ont pas de couverture sociale en cas d’accident du travail ou de maladie, qu’ils n’ont pas de droits aux congés payés. Il faut combler ces lacunes et améliorer un régime social des indépendants qui n’est plus adapté, trouver des convergences avec le régime salarié et faire en sorte que les plateformes s’y intéressent.
Comment inciter les plateformes à s’y intéresser ?
Le débat sur la loi El Khomri et sur la portabilité des droits a amorcé un vrai changement, avec une loi Travail qui intègre des dispositions relevant du monde du commerce. C’est une première pierre en faveur de la responsabilité sociale des grandes plateformes. Elles sont prêtes à discuter. Nous avons d’ailleurs multiplié les échanges à ce sujet avec une quarantaine d’entre elles, dont les plus puissantes, comme Uber, Airbnb ou encore Deliveroo. Des résultats concrets ont été obtenus. Par exemple, certaines facilitent l’ouverture de comptes bancaires sans frais, d’autres ont passé des contrats avec des groupes de mutuelles pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Elles mettent en place des centrales d’achats, ce qui permet, entre autres, d’acheter des GPS et des smartphones à prix réduits. D’autres proposent une garantie logement pour que les indépendants louent plus facilement un appartement. D’autres encore mettent en place l’équivalent de comités d’entreprise pour donner accès à certains avantages concernant les loisirs, la consommation, etc.
Cependant les coursiers de Take Eat Easy, enseigne ayant cessé ses activités en juillet, n’ont pas été payés…
Ce dépôt de bilan a permis d’accélérer le débat. La création d’un fonds de garantie interprofessionnel est aujourd’hui à l’étude, la Fédération des auto-entrepreneurs a réussi à réunir les différentes plateformes pour en discuter. La France est l’un des pays le plus en pointe sur ces questions, parce que la consommation collaborative y est très développée, mais aussi parce que nous sommes les champions de la protection sociale.