Définir de nouvelles règles fiscales pour éviter les abus
Parce qu’elle casse les codes qui faisaient référence jusqu’ici, l’économie collaborative s’attire les foudres des acteurs de l’économie conventionnelle, qui réclament une régulation adaptée au respect d’une concurrence saine et équilibrée.
« La France […] fait figure de leader en Europe grâce à un environnement règlementaire favorable», assure Jean-François Marti, associé responsable de PwC Experience Center. Pourtant, pour bien des acteurs, l’économie collaborative ne ressemble en rien à un long fleuve tranquille. Le statut d’auto-entrepreneur facilite, certes, la collaboration avec les plateformes de mise en relation, mais il laisse en suspens le problème de la couverture sociale de ces travailleurs indépendants. Sont-ils d’ailleurs si indépendants que cela ? L’Urssaf a lancé des procédures pour requalifier les contrats des chauffeurs Uber. Saisis de la même question, les tribunaux anglais viennent de se prononcer pour le statut de salarié.
Le casse-tête de la fiscalité
Faut-il taxer les revenus d’appoint tirés de la location occasionnelle de son logement ou d’autres biens meubles comme les voitures, les bateaux ou encore les tondeuses à gazon ? Les soumettre à des cotisations sociales ? Au-delà d’un certain seuil – 23 000 euros pour le particulier qui loue son logement et 7 720 euros pour celui qui loue des biens meubles –, il faudra s’inscrire au régime social des indépendants et acquitter des cotisations sociales. Selon le secrétaire d’état au Budget, Christian Eckert, « il ne s’agit pas de corseter l’économie collaborative, mais de l’accompagner ». Si les bénéficiaires de ces revenus collaboratifs seront peu nombreux à devoir franchir le pas – un particulier qui loue sa voiture sur Drivy perçoit en moyenne 672 euros par an, celui qui loue son appartement sur Airbnb, pas plus de 3 600 euros –, il s’agit pour le gouvernement d’éviter les abus. Quant à la taxation des revenus, une instruction du ministère (30 août 2016) précise ceux imposables. Sont exclus les revenus issus d’un partage de frais (covoiturage, sorties en mer, co-cooking). Si le principe de la taxation est acquis, reste au législateur à fixer le seuil à partir duquel il faudra déclarer ces revenus.
Une concurrence débridée
Toutes ces questions liées à l’émergence d’un modèle économique en rupture avec les pratiques connues jusqu’ici sont loin d’être anodines.
Ne pas corseter, mais accompagner les acteurs de l’économie collaborative.
Elles pèsent sur le jeu de la concurrence et sur la quête d’équilibre entre les différents acteurs concernés.Les chauffeurs de taxi ou encore les hôteliers ont été les premiers à monter au créneau. Ces derniers reprochent aux acteurs comme Airbnb ou Homelidays de ne pas participer à la redistribution des richesses, à la différence des hôteliers, qui génèrent, d’après Michel Chevillon, président du syndicat des Hôteliers de Cannes, 2,4 millions d’euros de taxe de séjour sur le territoire local. Ces derniers ont été entendus depuis. A Paris, comme dans les grandes métropoles touristiques, les plateformes collectent désormais la taxe de séjour. Les nouvelles attentes des consommateurs pèseront également lourd dans la balance. Les outils numériques offrent de nouvelles expériences. La personnalisation des services, comme le bouche-à-oreille électronique, qui permet de comparer les offres, introduit une nouvelle dimension dans le jeu classique de la concurrence. Tirés à quatre épingles, munis d’applications géolocalisées et de petites bouteilles d’eau à offrir, les chauffeurs d’Uber ont aussi obligé les taxis traditionnels à évoluer vers plus de qualité. Au pays de l’économie collaborative, le consommateur devient arbitre, et au-delà de la nécessaire évolution du cadre normatif, c’est lui qui fera ou pas le succès des nouveaux services proposés.