L’agriculture doit réviser ses fondamentaux
Hausse des températures, sécheresses, nouvelles maladies, le changement climatique bouleverse le paysage agricole français.
Du vin en Normandie et des cerisiers dans le Limousin. Dans quelques années, le changement climatique ouvrira des opportunités économiques à certains territoires. Hélas, il menace aussi l’équilibre de la filière agricole. Les cycles culturaux sont décalés à cause de la hausse des températures : dans les Vosges, les semis de blé se font ainsi un mois plus tôt qu’en 1970. Ces cycles plus courts diminuent la durée d’exposition des cultures au soleil et, donc, leur quantité et leur qualité. Celles-ci pâtissent aussi des canicules, comme en 2003, où 20 à 30% des rendements avaient été perdus. Un constat qui devrait devenir la norme puisque ces chaleurs extrêmes se répéteront un été sur deux dès 2050. Même constat pour l’élevage : au-dessus de 21 °C, la très productive vache Holstein, donne moins de lait, par exemple. Sans oublier les maladies, comme la rouille, qui touche les végétaux et survient dans les climats chauds et humides.
Former le monde agricole
« Le niveau de connaissances des différents acteurs de la sphère agricole – chambres d’agriculture, conseils régionaux, DRAAF, etc. – sur le changement climatique est très faible », s’alarme Frédéric Levrault, spécialiste du sujet pour les chambres d’agriculture.
Pas d’échéances, d’évaluation et de financement pour l’adaptation
Aujourd’hui, l’enjeu est de faire passer les données du monde scientifique aux mondes agricole et politique, et de construire un vrai plan de bataille, pour adapter l’agriculture à ces bouleversements. Car il n’existe pas de réelle stratégie, en dépit du chapitre « Agriculture » du PNACC(voir p.9) ou du volet Adaptation de la PAC (voir p.9) mis en avant par le ministère de l’Agriculture. Ces documents cadres fixent de grands objectifs – « construire une agriculture résiliente » –, mais sans consignes, échéances, critères d’évaluation ou moyens de financement. Les quelques initiatives locales existantes ne suffisent pas, « il faut une stratégie collective pour mettre tout un pan de l’économie en mouvement », prévient Frédéric Levrault.
Réviser nos fondamentaux
A la FNSEA, Joël Limouzin, pourtant responsable du sujet dans le syndicat, propose des mesures d’adaptation à la marge : stockage de l’eau, filets antigel, développement des assurances… Des initiatives déjà dépassées, d’après Frédéric Levrault : « L’assurance doit rester un palliatif de catastrophes naturelles exceptionnelles, comme la canicule de 2003. Elle ne fonctionnera plus dans trente ans, quand ces catastrophes seront la norme. » Même enjeu pour le stockage de l’eau : entre le milieu du XXe siècle et celui du XXIe siècle, la ressource utilisable en eau devrait baisser d’un tiers. Difficile alors de miser sur l’accroissement de son usage. « Il faudra réviser nos fondamentaux, comme ne plus choisir la production la plus rentable, mais la plus résistante », poursuit-il. Reste que les agriculteurs, pourtant les premiers concernés, renâclent à ces évolutions car ils traversent déjà une grave crise économique qui leur laisse peu de temps et d’énergie pour bouleverser leurs méthodes de travail.