Construire aujourd’hui pour prévenir la menace de demain
En moyenne, le parc immobilier se renouvellerait tous les cent cinquante ans. Il est donc urgent de prendre en compte les conditions climatiques futures.
Hausse des températures, submersion marine, sécheresses, inondations, retrait-gonflement des sols argileux… Les équipements et bâtiments ne sortiront pas indemnes du changement climatique. Ainsi, selon l’Onerc, environ un tiers des 241 normes s’appliquant aux infrastructures de transport devront potentiellement être révisées, 23, de façon certaine. L’Afnor et le Comité européen de normalisation travaillent déjà à la modification de quelques-unes d’entre elles. Les Outre-mer sont particulièrement concernés, avec 850 kilomètres de routes et 38 sites industriels menacés par la hausse du niveau de la mer. Leurs infrastructures de production et de distribution d’énergie seraient également fragilisées par des événements extrêmes, eux-mêmes amplifiés par le changement climatique, comme les sécheresses.
Des élus plus exigeants
Reste que la culture de l’adaptation n’est pas encore adoptée dans le secteur du bâtiment, où l’accent est davantage mis sur l’atténuation des impacts environnementaux. Mais elle s’y fait progressivement une place à la demande d’élus locaux « de plus en plus exigeants sur la dimension climatique des projets », relève François Pitti, directeur prospective et marketing stratégique de Bouygues Construction. En tête des demandes : la végétalisation, qui renforce la résistance des villes aux canicules et atténue les îlots de chaleur urbain. Face à ce phénomène, qui rendra les cités difficilement vivables lors des canicules à répétition, il est nécessaire de lever certains freins imposant, par exemple, d’aligner les façades alors que les décaler légèrement créerait des zones d’ombres et des « couloirs de vent » bienvenus. Même chose pour les couleurs ou les matériaux des tuiles et des murs. Des façades blanches renverraient davantage la lumière. Dans ce type de quartier, l’adaptation dépendra donc du changement des normes.
Une culture de l’adaptation embryonnaire
La balle est aussi dans le camp des constructeurs immobiliers. Déjà, « nous travaillons avec des urbanistes et des paysagistes pour penser notre projet dans son tissu urbain et son environnement : une démarche que nous n’avions que peu il y a encore quelques années », explique François Pitti. L’entreprise a aussi intégré dans ses équipes des experts en biodiversité et en agronomie pour travailler à l’intégration des projets dans les villes avec une vision d’écosystème. L’année dernière, le groupe Bouygues a ainsi remporté un Trophée Solutions Climat (catégorie Adaptation) pour son projet Hikari, situé au cœur de la Métropole de Lyon. Les trois bâtiments du programme sont conçus selon une « architecture bioclimatique », c’est-à-dire que la forme des façades et les matériaux utilisés permettent d’absorber et de restituer de manière contrôlée les rayons du soleil et leur apport énergétique. Pour ce qui est de l’adaptation au risque de submersion et d’inondation, la France reste loin derrière les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne avec leurs maisons amphibies, sur flotteurs ou pilotis. Quelques initiatives émergent pourtant, notamment sous l’impulsion de l’Etat, à l’image du prix Repère d’or remis en mars dernier par Ségolène Royal à 22 projets innovants dans le domaine de la construction en zones inondables (lire. p.22).