Questions à… Nancy de Richemond, géographe, spécialiste de la mémoire des risques
Quelle est notre culture du risque aujourd’hui ?
Elle est pratiquement inexistante. Nous sommes plus vulnérables aujourd’hui qu’au XVIIIe siècle ! Notamment parce que le hiatus entre notre vie quotidienne et celle que nous aurions en cas de catastrophe est de plus en plus fort. Par exemple, nos téléphones portables, indispensables pour communiquer, deviendraient inutilisables en cas de catastrophe, à cause des coupures d’électricité et de l’inaccessibilité de réseaux.
Quelle est la place de la technique dans cette culture du risque ?
Depuis les utopies technicistes du XVIIIe siècle, nous croyons en la toute-puissance de la science pour éradiquer nos problèmes. Cela accroît notre vulnérabilité. Aujourd’hui, la foi en la technique ne suffit plus. En outre, le fait que depuis des années nous soyons épargnés par les grandes catastrophes climatiques nous fragilise. Une bonne nouvelle qui paradoxalement nous rend plus vulnérables puisque nous avons du mal à intégrer la crise climatique dans nos vies.
Est-ce propre à la France ?
Non, mais notre Etat très protecteur annihile le développement de cette culture du risque. Auparavant la population comptait davantage sur ses propres forces. Par ailleurs, les gouvernants redoutent la réaction des citoyens face à une information anxiogène. Pourtant, ces derniers souhaitent être actifs. D’ailleurs les travaux de psychologie environnementale montrent que la majorité des sauvetages se font par les sinistrés eux-mêmes. Mais l’Etat ne prend pas suffisamment cela en compte, peut-être parce que donner aux citoyens les moyens d’agir lui retirerait une part de son pouvoir.