Le climat : facteur de conflits sociaux
Le changement climatique porte en lui des germes de conflits sociaux particulièrement inquiétants, s’alarment plusieurs observateurs. D’abord parce qu’il creuse des inégalités. Ainsi le CESE relève que certains territoires « cumulent à la fois vulnérabilité climatique et concentration de pauvreté : les Outre-mer surtout, mais aussi le Nord-Pas-de-Calais, le Languedoc-Roussillon, la Corse et la Provence ». A l’échelle individuelle aussi, les plus fragiles sont les plus exposés. Citons les canicules ou la pollution, qui menacent plus particulièrement les personnes âgées, isolées, les enfants et les groupes socio-économiques bas. Géographe, spécialiste du risque d’inondation centennale à Paris, Magali Reghezza constate que « les plus riches ont évidemment été touchés par la crue de juin dernier, mais ils sont plus résilients et donc moins concernés par la paralysie de la vie économique et la destruction d’emplois qui ont suivi ». Ces injustices peuvent être les ferments de mouvements sociaux d’un genre nouveau.
Des rivalités d’usage des ressources
Déjà des conflits climatiques apparaissent autour de l’eau. En période de sécheresse, face aux débits de plus en plus faibles, les acteurs de l’énergie, de l’environnement et les agriculteurs se disputent son usage. Ce rapport de force peut exploser en conflit social, comme au barrage de Sivens (Tarn) en 2014, où un projet de retenue d’eau avait opposé violemment agriculteurs et écologistes.
Une personne par seconde est déplacée par les catastrophes naturelles.
Dans des territoires où exploitants et population urbaine sensibilisée à l’écologie cohabitent, ces conflits sont appelés à se reproduire. Une tension autour des ressources qui pourrait être encore accentuée par les déplacements de populations liés à l’augmentation des aléas climatiques. Au sein du territoire français, ces déplacés quittent les littoraux pour s’installer vers l’intérieur des terres, comme à la suite de Xynthia. Quelques mois après la catastrophe, en avril 2010, plus de 1 000 biens situés en zone à risque ont ainsi été rachetés par l’Etat aux propriétaires pour leur permettre de se réinstaller plus loin des côtes. Pour des raisons économiques cette fois, ces migrations sont amenées à se multiplier à partir des zones de vignobles, de stations de ski, ou chez les agriculteurs. Mais le plus grand enjeu se situe sur les territoires d’outre-mer, dont l’existence même est menacée sans que rien ne soit fait pour anticiper les mouvements de population qui vont se diriger vers la métropole.
L’Hexagone peu concerné par les migrations climatiques
Autre enjeu politique : à plus grande échelle, les migrations climatiques depuis l’étranger vont « s’installer et devenir structurelles », prévoit François Gemenne, chercheur en sciences politiques et spécialiste des migrations. Elles existent déjà, comme celles provenant du Sénégal, où la désertification et l’épuisement des ressources halieutiques font prendre à beaucoup le chemin de l’exil vers la France. Un choix favorisé par les liens historiques entre les deux pays. En moyenne dans le monde, trois fois plus de personnes sont déplacées par les catastrophes naturelles que par les guerres, soit 26 millions par an, un chiffre qui équivaut à une personne par seconde. Mais « la règle demeure la migration de courte distance et interne au pays, tempère François Gemenne, la France est donc peu concernée ». Reste que ce phénomène prête le flanc à des instrumentalisations politiques propres à exaspérer des tensions déjà à vif sur le sujet migratoire.