Changement climatique : des risques connus mais encore mal anticipés
Les politiques sont-ils conscients de l’enjeu du changement climatique ?
Globalement non. Bien que ce sujet monte en puissance, tant l’impact du changement climatique est de plus en plus visible, sur les littoraux par exemple. Une véritable prise de conscience impliquerait un changement culturel : cela demande d’accepter le fait que, même si nous limitons le réchauffement à 2 degrés – ce qui est loin d’être acquis –, il y aura de toute façon un impact. Les politiques en prendront vraiment conscience quand ils y seront confrontés directement. Au lieu d’anticiper, ils sont en réaction. Il y a un décalage paradoxal entre la connaissance que nous avons des risques et l’absence d’anticipation de ces menaces par les élus. Ces derniers doivent comprendre que certaines menaces sont inéluctables. Il faut également que le débat soit territorialisé pour identifier clairement ce que deviendra tel ou tel territoire de montagne ou de bord de mer dans dix, vingt ou trente ans. Quitte à rendre contraignante cette projection vers l’avenir : ainsi nous nous battons actuellement sur la loi Montagne pour que les élus aient l’obligation d’avoir un plan d’adaptation de leur territoire. Toutes les stations de sports d’hiver devraient faire de même.
Comment développer la politique d’adaptation, encore embryonnaire ?
Il faut mettre à jour la valeur des choses, en y intégrant, certes, la valeur présente, mais aussi celle du futur. Ainsi un bâtiment situé dans une zone inondable doit voir son estimation adaptée à cette menace, pour que le risque se répercute sur le prix. Dans ce domaine, les assureurs ont un rôle à jouer. Dans le comté de Santa Rossa (Floride), les primes d’assurance subventionnées ont été réévaluées à la hausse pour les propriétés de bord de mer. Cette majoration trop élevée pour certains propriétaires a obligé l’Etat à leur venir en aide financièrement. Cet exemple montre que les données actuelles ne sont pas ajustées à la réalité. Globalement, l’ensemble du système bancaire doit s’adapter : ainsi lors d’un prêt immobilier, l’évaluation de la valeur du bien doit tenir compte des projections à vingt ou trente ans. Plus on attend pour réajuster leur valeur, plus on court le risque de reproduire ce qu’il s’est passé en Floride.
Reste que le secteur privé a encore du mal à s’en saisir…
Effectivement, car contrairement aux politiques d’atténuation, maintenant entrées dans les cultures d’entreprises, les initiatives d’adaptation ne sont pas perçues comme créant de la valeur, mais comme en détruisant. Aujourd’hui, les politiques comme les chefs d’entreprise appliquent la politique de l’autruche.
Qu’attendez-vous de la COP22 ?
La COP22 est africaine, elle se tient sur un continent où le changement climatique fait ses premières victimes, qui ne sont pourtant pas les premières responsables de ce bouleversement. Or l’adaptation est le parent pauvre de la solidarité internationale, et les pays du Nord n’ont aucun intérêt à s’en saisir. Si les pays africains ne posent pas la question de l’adaptation de l’agriculture, des villes et des économies, personne ne le fera. L’enjeu principal est le fait qu’il n’y a pas de modèle économique de l’adaptation, et donc pas de financements. Les rares crédits sont publics et l’effet de levier pour obtenir des fonds privés est très faible.